Former la prochaine génération de spécialistes des eaux souterraines au Sahel 

Posté le : 22 novembre 2022

Maintenant que les eaux de surface sont menacées par le changement climatique en Afrique, les eaux souterraines deviennent une ressource vitale inexploitée. Pourtant, les connaissances limitées sur les ressources en eaux souterraines du Sahel, point chaud du changement climatique et l’une des régions les plus pauvres du monde, entravent les efforts entrepris pour définir des stratégies permettant de faire face à la pénurie d’eau. Le nombre d’hydrogéologues formés à la gestion durable des eaux souterraines est de surcroît insuffisant.

A l’Université Nouakchott Al-Aasriya, la table ronde sur les eaux souterraines au Sahel avec la participation de CIWA.

CIWA joue un rôle primordial en mobilisant les parties prenantes dans le but d’accroître le nombre limité de spécialistes des eaux souterraines du Sahel et renforcer leurs compétences. Partager sur X Il a apporté son soutien à une table ronde de sept jours organisée en mars 2022 à Nouakchott (en Mauritanie), qui a permis à des universitaires chargés de la formation des spécialistes des eaux souterraines dans six pays d’identifier les principales lacunes que présente cette formation et de formuler des solutions. 

Le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, et le Tchad ont pris la décision d’améliorer la qualité de la formation de premier cycle pour inciter les étudiants intéressés à se spécialiser dans les eaux souterraines et de créer un programme commun de maîtrise en hydrogéologie, ce qui pourrait changer la donne. De nombreux Sahéliens qui souhaitent faire carrière dans les eaux souterraines doivent poursuivre leurs études universitaires dans un pays étranger pour obtenir des diplômes de haut niveau et peuvent alors décider de rester dans ce pays pour y travailler. Un programme de maîtrise local pourrait inverser cette tendance et renforcer les compétences spécialisées de la région.

« Cette table ronde a permis d’approfondir la réflexion, de partager les expériences de chaque pays, de combler les lacunes et de trouver des solutions », a déclaré Mme Seynabou Cisse Faye, hydrogéologue senior et professeure associée, responsable de la formation en hydrogéologie au département de géologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).

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Mme Seynabou posant avec ses étudiants, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal.

Confrontée au défi consistant à accroître le nombre de femmes dans le département de géologie, Mme Faye a décidé de se tourner vers le domaine des eaux souterraines : « La géologie n’était pas une discipline très attrayante pour les femmes, et la formation des femmes ne suscitait guère d’enthousiasme. » note-t-elle

« Je me suis demandé pourquoi le nombre de femmes était si faible. C’est ce qui m’a poussé à m’engager dans ce domaine », explique Mme Faye, dont les travaux universitaires portent notamment sur la vulnérabilité et la pollution des systèmes aquifères dans les zones urbaines, les régions minières et agricoles, et sur la contribution des outils isotopiques à l’étude de la pollution. Elle a finalement accédé au poste de chef du département géologie de 2017 à 2021 et dirige aujourd’hui le programme de maîtrise en hydrogéologie. Elle est également responsable scientifique du laboratoire d’hydrochimie du département.

Mme Faye a elle-même constaté combien il était difficile de recruter des étudiants intéressés par le métier de spécialiste en eau souterraine dans son université. « Notre principal problème à l’heure actuelle est la formation », dit-elle.

Par suite de l’insuffisance des ressources de l’université, le nombre d’étudiants qui s’inscrivent au programme d’hydrogéologie est près de cinq fois supérieur au nombre de places disponibles — qui est bien insuffisant pour répondre aux besoins de la région dans le domaine de la gestion des eaux souterraines. La table ronde a par ailleurs clairement montré que la qualité de la formation était inégale à travers le Sahel, de sorte que certains étudiants ne peuvent pas se former aux sciences de la terre et ainsi acquérir des compétences de base en géologie ou obtenir des stages ou des emplois. 

L’examen de ces difficultés et de ces opportunités communes aux six pays a contribué à renforcer les liens de confiance et de coopération. « Nous partageons certains bassins, avons le même climat, des contextes socio-économiques similaires et manquons tous de ressources en eau », note Mme Faye. « Il était dans notre intérêt de mettre en commun nos ressources et de créer un programme unique qui permettra aux universités de procéder à des échanges d’étudiants et de compétences… ce qui peut être profitable à tous les pays. » 

Mme Faye estime que CIWA peut continuer à jouer « un rôle décisif en facilitant les rencontres entre les établissements de formation spécialisés dans les ressources en eau de différents pays Partager sur X, en créant des cadres de réflexion pour améliorer les connaissances, en identifiant les lacunes et en trouvant des solutions ensemble. »

Les participants à la table ronde ont accueilli très favorablement le programme de maîtrise envisagé. Ce dernier, dont l’élaboration et la mise en place devraient prendre trois ans, permettra d’exploiter les précieuses ressources en eaux souterraines de la région. « C’est une excellente idée », dit-elle. « Cela sera extraordinaire, vraiment fantastique ».

Une conversation avec Mme Faye Seynabou est disponible avec le podcast de la série “Across The Pond”. Écoutez le ici.
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