Les femmes doivent guider les décisions visant à améliorer la gestion des ressources en eau en Afrique
Posté le : 10 mars 2021 (Blog)
La journée internationale de la femme est l’occasion pour la Coopération pour les eaux internationales en Afrique (CIWA) de souligner la contribution centrale des femmes à la gestion des ressources en eau transfrontière en Afrique et de faire campagne pour accroître leur participation au processus décisionnel.
Reginalda Joseph, qui a participé au programme de stage de l’Institut de gestion des eaux souterraines de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC-GMI) nous fait part de son expérience. Elle explique pourquoi, selon elle, les femmes doivent être plus nombreuses à mener le processus décisionnel dans le secteur de l’eau.
1. Parlez-nous de vous.
Je suis titulaire d’une licence spécialisée en géologie et d’une maitrise en géologie pétrolière de l’Université de Namibie. Je travaille actuellement en tant qu’hydrogéologue au département des affaires hydriques du ministère de l’Agriculture, de l’Eau et de la Réforme agraire en Namibie.
Je connais bien la situation hydrique de mon pays, qui est l’un des plus secs d’Afrique australe et qui, de fait, se retrouve fortement tributaire des eaux souterraines.
Les pénuries d’eau provoquées par les épisodes de sècheresse il y a quelques années ont fait la une des journaux quotidiens et j’ai commencé alors à réfléchir à la manière dont je pourrais contribuer à ce secteur. J’ai ainsi décidé de me spécialiser dans la recherche sur les eaux souterraines et la gestion de ces ressources. Travailler dans un secteur qui cherche à améliorer les moyens de subsistance et la qualité de vie est l’une des carrières les plus gratifiantes que l’on puisse choisir. Faire partie d'un secteur qui contribue à améliorer les moyens de subsistance et la qualité de vie est sans doute l'une des carrières les plus intéressantes que l'on puisse choisir.
2. Que pensez-vous de votre expérience de jeune professionnelle à l’Institut de gestion des eaux souterraines de la SADC ? Qu’avez-vous appris de ce programme de stage ?
Ce stage m’a énormément apporté et m’a permis de rencontrer de jeunes professionnels d’autres pays membres de la SADC avec des profils académiques variés et qui justifiaient d’une expérience préalable du secteur. Il nous a permis d’échanger nos connaissances et de nous faire part de nos expériences. Le programme m’a permis de mieux comprendre les différentes méthodes utilisées par les professionnels pour mieux gérer les ressources en eau souterraine.
Le stage a donné lieu à des sessions d’apprentissage en classe et en ligne. J’ai particulièrement apprécié la formation en ligne portant sur l’utilisation du système d’information géologique pour explorer et gérer efficacement les eaux souterraines.
Le programme nous a également permis d’avoir accès aux archives de littérature grise de la SADC, qui sont aujourd’hui un outil pleinement opérationnel permettant d’avoir accès aux études sur les eaux souterraines dans la région de la SADC. Ces archives sont indispensables, particulièrement pour les jeunes professionnels, puisqu’elles leur permettent de consulter des études et d’améliorer leurs connaissances afin de soutenir une utilisation et une gestion équitables et durables des eaux souterraines.
3. Dans quelle mesure la participation à ce programme contribue-t-elle à l’exercice de vos fonctions ?
J’utilise chaque jour les connaissances et compétences acquises pendant ce stage. Par exemple, le cours sur le système d’information géologique m’a beaucoup servi en tant qu’hydrogéologiste puisque je suis aujourd’hui en mesure de créer rapidement des cartes nécessaires au travail sur le terrain. Pouvoir consulter ces archives m’a également permis d’étudier les rapports et les études sur les eaux souterraines qui m’aident à préparer mes rapports et à comprendre ce que font les autres pays de la SADC afin d’améliorer la gestion des eaux souterraines.
4. De quelle manière les femmes contribuent-elles aujourd’hui à la gestion concertée des ressources en eau transfrontière en Afrique ?
Bien que les femmes soient toujours insuffisamment nombreuses dans ce domaine, elles se spécialisent dans des domaines apparentés et conduisent des recherches liées à l’eau visant à remédier aux problèmes de gestion relatifs aux ressources en eau transfrontière. Elles participent activement aux comités des eaux transfrontières en contribuant à la réalisation d’études et à la gestion de ces ressources.
Les membres du personnel de la division de géohydrologie du département des affaires hydriques où je travaille sont en majorité des femmes qui occupent des postes de cadre et notamment des postes de direction. Dans cette division, les jeunes femmes ont la possibilité de s’épanouir professionnellement. Elles participent également aux comités des eaux transfrontières où elles contribuent aux travaux de recherche, à la gestion des ressources en eau transfrontière et à la mise en œuvre des politiques et législations destinées à préserver les ressources en eau. Les femmes utilisent leurs réseaux et contribuent ainsi de manière décisive au partage des connaissances, sensibilisent les nouvelles générations et leur apprennent à gérer les ressources en eau.
5. Quelles difficultés avez-vous dû surmonter en tant que femme, au cours de votre carrière, et comment les avez-vous surmontées ?
Le plus difficile, pour moi en tant que jeune professionnelle, surtout lorsque j’ai commencé à travailler dans ce secteur, a été le manque de confiance en moi et la nécessité de trouver des occasions de renforcer mes compétences et d’enrichir mon expérience.
J’ai surmonté ces obstacles en acquérant les capacités dont j’avais besoin, en renforçant mes compétences, en lisant tout ce que je pouvais et en suivant, de manière proactive, autant de courtes formations en ligne que possible portant sur les études et la gestion des eaux souterraines. J’ai fait en sorte d’aller à toutes les conférences et tous les ateliers concernant ce domaine auxquels je pouvais participer.
J’ai ainsi eu la possibilité de présenter mon travail en de nombreuses occasions et j’ai reçu le prix récompensant les meilleures présentations orales de jeunes professionnels lors de la conférence de l’institut de gestion des eaux souterraines de la SADC qui s’est tenue à Johannesbourg en 2019.
6. Pourquoi les femmes doivent-elles travailler dans le secteur des ressources en eau transfrontière ? Que doit-on faire pour encourager une plus forte participation de leur part à l’avenir ?
Les femmes participent dans une mesure considérable à la gestion et l’utilisation productive de l’eau au quotidien, que ce soit dans le cadre de leurs travaux domestiques, de l’agriculture ou de la pêche. Elles possèdent des connaissances essentielles concernant l’utilisation et le partage de l’eau. Leur contribution dépasse largement l’utilisation de l’eau puisqu’elles gèrent, dans les faits, cette ressource. Les femmes sont toutefois désavantagées de longue date en raison des stéréotypes attachés au genre et aux normes socioculturelles. Il importe de mieux lutter, dans le contexte de la gouvernance et des politiques publiques, contre les disparités entre les rôles et responsabilités attribués aux hommes et aux femmes aux niveaux des projets et des institutions pour permettre aux femmes de s’exprimer et de réclamer la place qui leur est due parmi les décideurs.
Il est selon moi nécessaire de permettre aux femmes de renforcer leurs compétences et d’avoir accès aux informations, aux connaissances et à la technologie dans le cadre de formations ou de diplômes à même de leur donner la confiance dont elles ont besoin pour acquérir une expérience professionnelle. Il est temps pour les femmes de mener une carrière dans le secteur de l’eau et d’y occuper des postes à responsabilité.
Les organisations comme CIWA contribuent de manière déterminante à assurer la prise en compte des questions liées à la parité femmes-hommes et à l’inclusion sociale en identifiant les obstacles au niveau transfrontière et en recommandant des solutions passant par une approche porteuse de transformation. CIWA propose des financements, donne aux femmes les moyens de renforcer leurs capacités, améliore leurs accès aux services et à l’information, aide les parties prenantes à comprendre les normes qui compromettent la parité femmes-hommes et proposent des solutions pour y remédier.
Les États doivent mettre en œuvre des politiques axées sur le renforcement des capacités techniques des femmes et leur recrutement et encourageant les femmes à gérer les ressources en eau pour leur permettre enfin de participer au processus décisionnel et les inciter à travailler dans ce secteur.