La modélisation et un processus de décision renforcé au secours de l’écosystème du bassin du Niger
Posté le : 13 septembre 2020 (Blog)
La Journée internationale 2020 pour la réduction des risques de catastrophe nous offre l’occasion de porter notre attention sur les récentes crues observées au Niger. La Coopération pour les eaux internationales en Afrique (CIWA) plaide pour l’adoption d’un mécanisme de gouvernance plus homogène qui permette d’atténuer les effets du changement climatique, tout en renforçant les pouvoirs des institutions, et de prendre des décisions fondées des éléments concrets.
Le fleuve Niger, source de vie et d’espoir, peut se révéler destructeur s’il n’est pas géré convenablement, comme en témoignent les crues observées en août au Niger et au Mali. Troisième fleuve du continent par sa longueur, les parties supérieures et centrales du Niger échappent aujourd’hui largement à toute réglementation. D’importants investissements sont en cours en Guinée, au Mali et au Niger.
Fleuve transfrontalier par nature, le Niger joue un rôle essentiel dans le développement socioéconomique de la région. La coopération entre les pays riverains est donc essentielle et deviendra encore plus fondamentale lorsque les nouveaux barrages seront érigés. L’Autorité du bassin du Niger (ABN) devra être prête le moment venu.
Le bassin du Niger : le poumon de la région menacé
Le bassin se caractérise par des climats, des écosystèmes, des établissements humains et des systèmes de production agricole variés. Il jouit d’une faune et d’une flore abondantes et diversifiées et abrite plusieurs vastes zones protégées, en particulier les zones humides de son delta intérieur au Mali. Le delta, qui constitue l’une des plus larges zones inondables d’Afrique, tient lieu de réservoir naturel. L’ampleur et la durée de l’inondation du delta varient fortement d’une année à l’autre en fonction de l’écoulement intérieur du fleuve. Les fortes variations des conditions naturelles qui en découlent se répercutent sur la productivité des quelque 900 000 habitants du delta, notamment les producteurs de riz flottant, les éleveurs et les pêcheurs. La région du delta est en outre menacée par la pollution et par la sédimentation dans les zones où le vent dépose du sable des parties arides du bassin versant.
Les habitants du bassin sont extrêmement vulnérables puisque leurs moyens de subsistance et leur bien-être dépendent de précipitations très intenses et imprévisibles, en particulier dans la partie sahélienne du bassin. Ce phénomène est aggravé par le changement climatique qui provoque des périodes de sècheresse et des inondations prolongées. L’instabilité politique, les tensions et les conflits accroissent la fragilité de la région et les problèmes sécuritaires.
L’expansion des activités économiques entraîne aussi une rapide dégradation du fleuve. L’extraction du sable nécessaire aux constructions en amont du delta, en particulier, creuse le lit du fleuve et abaisse la nappe phréatique, entraine l’érosion des berges et affaiblit les infrastructures telles que les ponts.
La dégradation de notre environnement est telle qu’il devient impératif, pour tous, d’aider nos communautés à sauver le fleuve dont dépendent nos moyens de subsistance : les pouvoirs publics, les bailleurs de fonds. Nous sommes tous tenus d’intensifier les efforts nécessaires à la restauration des rives et à la protection des espaces naturels, puisque le Delta est un moteur de croissance non seulement pour ses habitants, mais pour l’ensemble du Mali. Boureima Toure, pêcheur, Guinée
Boureima Toure, pêcheur, Guinée
Promouvoir la collaboration régionale pour préserver le bassin
La Coopération pour les eaux internationales en Afrique (CIWA) s’emploie, aux côtés de l’Autorité du bassin du Niger (ABN) et des gouvernements appuyant son action, à améliorer la mise en valeur des ressources en eaux et à renforcer la gestion durable du bassin, notamment en recherchant les moyens d’inverser la dégradation de l’écosystème. CIWA intègre la préservation de la biodiversité dans l’aide qu’elle apporte à l’ABN car cette dimension doit faire partie intégrante des initiatives de développement socio-économique.
Encourager le développement d’infrastructures durables
Il est essentiel de gérer les ressources en eau et d’en partager les bienfaits pour assurer le développement de la région. CIWA apporte son concours à un processus de décision novateur couvrant l’évaluation et l’utilisation des résultats de l’étude d’impact environnemental et social (EIES) et des études de faisabilité effectuées pour le barrage de Fomi en Guinée. Fomi est l’un des trois barrages retenus par les pays du bassin du Niger pour former l’épine dorsale d’une coopération économique régionale fondée sur une mise en valeur durable des ressources en eau. L’évaluation et le processus de décision ont été déterminants dans le choix d’un autre emplacement pour le projet polyvalent de Fomi (Fomi Multipurpose Project) et ont tenu compte des répercussions, en aval, de ce dernier sur la richesse écologique fragile du delta intérieur du Niger et de la nécessité de réinstaller certaines populations.
CIWA a également aidé l’ABN à procéder à une modélisation complexe des services écosystémiques et socioagroéconomiques produits par l’inondation annuelle du delta ; cette dernière prend en compte les différents régimes d’écoulement des eaux du haut bassin du Niger, et les prélèvements d’eau à des fins divers, comme l’irrigation. Le modèle conjugue un modèle hydraulique ; un modèle numérique de terrain précis du delta ; et un modèle écosystémique qui permet d’attribuer une valeur monétaire à la biomasse. Ce modèle UNIQUE peut ainsi contribuer à améliorer de manière significative la prévision de l’incidence de la construction d’ouvrages hydrauliques en amont, notamment d’un barrage..
Ce modèle permettra à l’ABN de prendre des décisions éclairées et d’évaluer les arbitrages requis dans différents scénarios de rejets des eaux des investissements envisagés. L’Autorité du bassin du Niger peut mesurer précisément les coûts et avantages des infrastructures prévues et contribuer de plus en plus aux négociations entre les pays du bassin.
Ce modèle peut contribuer à préserver et maintenir la biodiversité de la région, en particulier dans le delta intérieur du Niger qui fait face aux assauts du changement climatique et à des pratiques socioéconomiques insoutenables. Il peut également aider à optimiser les investissements productifs au niveau local en permettant aux utilisateurs de tirer le meilleur parti des fluctuations du niveau des eaux du fleuve en anticipant ce dernier dans leur localité.
CIWA a également contribué à la formulation d’un plan d’investissement pour la résilience climatique de 3,1 milliards de dollars. Ce plan a été présenté lors de la COP21 à Paris et a déjà permis d’attirer près de 300 millions de dollars d’investissements destinés à accroître la résilience des populations du bassin.
Le changement climatique est une réalité avec laquelle nous devons vivre. Nous disposons d’infrastructures essentielles, notamment des barrages, pour gérer la survie du bassin. Il nous revient de rationaliser et d’utiliser ce dont nous disposons. Nous pouvons tous ensemble, avec la population, les partenaires et les gouvernements, améliorer la situation. Mais nous devons agir rapidement pour inverser la tendance et subvenir aux besoins de 160 millions de personnes. Abderahim Bireme Hamid, Secrétaire exécutif, Autorité du bassin du Niger
Abderahim Bireme Hamid, Secrétaire exécutif, Autorité du bassin du Niger
Crédits photo : Autorité du bassin du Niger