Protéger la biodiversité grâce à des solutions transfrontalières en Afrique
Posté le : 20 mai 2021 (Dernière)
Ce samedi 22 mai, marque la Journée internationale de la diversité biologique, placée en 2021 sous le thème « Nous faisons partie de la solution #PourLaNature ». Cette dernière poursuit ainsi l’impulsion donnée l’année dernière par l’adoption du principe général selon lequel les solutions se trouvent dans la nature elle-même, et la biodiversité reste la clé des défis du développement durable. Ce blog examine les avantages conférés par les zones de conservation transfrontalières (TFCA) et la manière dont elles peuvent contribuer à la conservation des écosystèmes et au maintien de la biodiversité.
Les éléphants d’Afrique maîtrisent parfaitement leur environnement. Ils peuvent en effet, en captant des fréquences ultra-basses, entendre la pluie tomber à plus de 150 km. Savez-vous que certaines matriarches se souviennent de l’emplacement précis de points d’eau, même 30 ans plus tard ? Les éléphants d’Afrique contribuent aussi largement à l’équilibre des écosystèmes naturels, à la préservation des plantes et à la biodiversité.
La biodiversité, ou encore diversité biologique, fait référence à l’interdépendance des espèces, des écosystèmes et des gènes, ainsi qu’à leurs interactions avec l’environnement.
La biodiversité : une ressource vitale méritant qu’on se batte pour la protéger
La biodiversité a une contribution économique notable dans les pays d’Afrique australe. La part du tourisme dans le produit intérieur brut (PIB) d’un pays en est un bon indicateur. Ainsi, le tourisme représente environ 8 % du PIB du Mozambique, 9 % de celui de l’Afrique du Sud et 11 % de celui de la Namibie. Certes, toutes les activités touristiques ne sont pas liées à la nature, mais un pourcentage important du PIB annuel des pays dont l’économie est largement tributaire de la faune et la flore sauvages provient de celle-ci.
La biodiversité, source de nourriture, de combustibles, de remèdes, d’eau et d’emplois, contribue également aux moyens de subsistance de certaines des populations les plus pauvres d’Afrique. La biodiversité des zones d’eau douce, par exemple, est essentielle à la sécurité alimentaire des quatre pays riverains du lac Tanganyika : la Tanzanie, la République démocratique du Congo, le Burundi et la Zambie. La consommation de poisson procure entre 25 % et 40 % de l’apport total en protéines animales dans ces pays. Des pratiques de pêche non durables et la pollution de l’eau menacent donc, non seulement la biodiversité d’eau douce du lac, mais également la sécurité alimentaire de millions de personnes. Le tourisme axé sur la faune est aussi une source importante d’emplois. Selon une étude à paraître de la Banque mondiale, le tourisme dans les zones protégées des parcs nationaux zambiens de Lower Zambezi et de South Luangwa génère, respectivement, 14 % et 30 % du total des emplois de la population en âge de travailler. Le secteur de la faune sauvage emploie environ 10 millions de personnes à l’échelle de l’Afrique. Avant la pandémie de COVID-19, le secteur du tourisme était une source grandissante d’emplois, pour la plupart basés sur la nature, dont le nombre devait, selon les estimations, atteindre 23 millions durant la décennie.
Des solutions transfrontalières pour la protection de la biodiversité
Comment amener les pays à conjuguer leurs efforts afin de préserver la richesse de la biodiversité et faire face menaces qui l’appauvrissent ?
Les approches transfrontalières de gestion des ressources naturelles — en particulier les zones de conservation transfrontalières (TFCA) — donnent la possibilité d’assurer une protection et une gestion efficaces, tout en procurant des avantages connexes durables aux populations locales. Les TFCA sont des régions écologiques situées dans au moins deux pays et se caractérisant par au moins un des éléments suivants : un parc national, une réserve animalière, une réserve forestière, des terres communales, des concessions touristiques ou des aires de conservation. Les ressources naturelles de ces zones sont gérées en collaboration par l’État et les autorités pertinentes.
Utiliser les approches transfrontalières pour la gestion de l’eau
La Banque mondiale s’efforce, dans le cadre de son programme de Coopération sur les eaux internationales en Afrique (CIWA), de renforcer le rôle des TFCA pour soutenir la gestion des eaux transfrontalières et de la biodiversité afin de promouvoir des moyens de subsistance résilients.
Les masses d’eau transfrontalières contribuent de manière fondamentale à la préservation de la biodiversité dans ces zones de conservation. CIWA accorde la plus haute priorité aux travaux qu’il mène pour comprendre le rôle de l’eau et sa relation avec la nature de manière à pouvoir en tirer parti, d’autant plus qu’ils lui permettent d’apporter un solide appui aux programmes de conservation à long terme.
Erwin De Nys, Responsable du Programme CIWA
En Afrique, de nombreuses TFCA, comme celles de Kavango-Zambezi (KAZA) et du Grand Limpopo, couvrent des régions d’importance cruciale en amont de bassins fluviaux clés. Les activités économiques qui y sont poursuivies ont une incidence sur la production d’eau et font de ces zones, en tant que structure de gouvernance, des alliées et des partenaires importantes pour la gestion durable des ressources en eau et le suivi de la biodiversité.
La région du Pafuri et du Zengwe, dans la TFCA du Grand Limpopo, qui s’étend sur une partie des territoires du Mozambique, de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe, est une région pauvre, exposée à la sécheresse. Les moyens de subsistance des populations sont de ce fait menacés et ces dernières sont moins en mesure de protéger la biodiversité. L’Initiative pour la résilience de l’Afrique australe à la sécheresse (SADRI) du CIWA permet à la Banque mondiale de soutenir des travaux visant à mieux recenser les ressources en eau disponibles et leurs modes d’utilisation de manière à comprendre la situation et à l’améliorer. Les activités poursuivies consistent notamment à évaluer l’étendue des aquifères souterrains, les systèmes d’eau en surface, ainsi que la demande et les taux d’utilisation actuels de l’eau, surtout des populations locales. Ces travaux permettront également de juger les pratiques de gouvernance mises en place pour gérer les ressources en eau. L’objectif général est d’apporter un appui à des populations plus résilientes face au changement climatique, mieux en mesure de se préparer aux sécheresses et à atténuer leurs effets, et de contribuer à limiter la perte de biodiversité.
Des études ont été entreprises en Afrique du Sud et au Botswana afin de comprendre les liens entre la qualité des eaux souterraines, leur niveau et la biodiversité de l’aquifère transfrontalier de la région de Khakea/Bray. Ces études sont menées par l’Institut de gestion des eaux souterraines de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC-GMI) en collaboration avec le Groupe de recherche sur les systèmes aquatiques (ASRG) de l’Université du Venda et l’Institut d’études des eaux souterraines de l’Université du Free State. L’objectif ultime est de favoriser la gestion concertée de cet écosystème et d’autres écosystèmes transfrontaliers dans la SADC.
La protection par la coopération
Le succès des TFCA tient à la collaboration régionale et à la poursuite d’objectifs communs : l’amélioration de la biodiversité, la gestion des ressources naturelles et le développement socioéconomique. Ces zones sont aussi importantes pour la coordination des activités de gestion de la faune et de la flore sauvages, qui permettent aux grands animaux migrateurs, comme les éléphants et les zèbres, de se déplacer librement dans leur écosystème et de protéger leurs populations. Elles aident aussi à lutter contre des problèmes régionaux, tels que la sécheresse. Grâce à leur structure institutionnelle, qui associe des comités spécifiques et des organismes de mise en œuvre, les TFCA peuvent mettre à profit le savoir-faire et les évolutions à l’échelle de la région, formuler des stratégies de conservation et assumer la responsabilité de la réalisation de leurs objectifs.
La biodiversité est plus riche dans un environnement caractérisé par une grande diversité d’espèces, d’habitats et de végétation. Elle bénéficie de ces interconnexions. Il se pourrait que le meilleur moyen que nous avons de protéger cette diversité soit notre aptitude à forger des liens, comme le montrent clairement les TFCA.